mardi 22 avril 2008

C’est pas ma faute

Elle danse. Il est trop tard pour elle, mais elle danse, sans arrêter, sans reprendre son souffle. La sueur coule dans son cou, sur sa gorge. Elle ne sent plus rien, elle n’entend que la (mauvaise) musique que diffuse la boîte de nuit, elle suit le rythme, avec ses hanches, avec ses seins, avec ses bras. Tout son corps est en mouvement, ses yeux sont fermés, elle ne voit personne. Elle ne voit pas les hommes qui s’approchent d’elle, ça ne l’intéresse pas. Elle sait qu’ils sont là, elle les sent, mais elle les ignore. Ils finissent tous par se lasser, mi-dépités, mi-fascinés par celle qui refuse de se prêter au jeu habituel.
Elle met des robes courtes, mais c’est simplement car il fait trop chaud en boîte. Elle ne cherche pas à les « allumer », comme on lui dit parfois. Ça la fait toujours rire, et son aplomb de jeune fille de quinze ans lui permet de rétorquer : « Tu crois que j’aurais envie de t’allumer ? »
Elle ne les vouvoie pas, ces hommes, les quelques rares qui se risquent à la serrer de trop près, même lorsqu’elle ne prête aucune attention à leur jeu de séduction. Elle sait bien qu’elle devrait, mais les rôles sont inversés : c’est elle qui a le pouvoir, c’est elle qu’ils désirent. L’argument de l’autorité, de l’âge ne fonctionne plus. C’est elle la grande, elle qui décide, pas eux. Jamais eux.
Ils ne la comprennent pas. Ils pensent qu’une jeune fille qui vient danser en boîte, elle cherche nécessairement un compagnon de sexe. Encore plus une fille qui danse comme elle. Ils ne savent pas qu’elle ne vient chercher qu’une chose : l’oubli, la danse, cette chaleur qui l’envahit quand elle arrive sur la piste de danse. Ils ne savent pas qu’elle ne veut pas lier ça au sexe. Ils ne savent sans doute même pas qu’ailleurs, dans d’autres circonstances, elle coucherait sûrement avec eux. Mais pas là, pas quand elle joue à la reine, pas quand elle sait qu’elle est le point de mire de la salle entière, pas quand elle se sent si forte.
Il lui arrive de se faire surnommer Lolita. Ça l’amuse. Elle n’a rien d’une Lolita, elle est trop vieille pour que coucher avec elle soit puni par la loi. Et puis elle n’a jamais cherché à les séduire. Ce sont plutôt eux qu’on devrait appeler « Humbert », et cesser de fantasmer sur une image de préadolescente perverse qui n’a jamais existé.
Mais au fond, elle sait très bien qu’un jour, elle dira oui. Juste pour voir ce que ça fait. Juste pour sentir ce désir qui monte, juste pour avoir l’impression d’exister jusqu’au bout. Car la solitude de la ruelle lorsqu’elle quitte la boîte la tue, la fait suffoquer. Comment peut-on exister si pleinement à l’intérieur, et n’être qu’une vulgaire adolescente trop maquillée à l’extérieur ?
La fausse Lolita essaie désespérément de se faire regarder, reluquer, qui sait, aimer. Même si elle a conscience que ce n’est qu’une illusion. Alors en attendant, elle danse…

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour.

Je ne te connais pas mais depuis un petit moment déjà je te lis.
Que dire de plus?
Chacun de tes mots fait écho en moi, ces histoires, ces sentiments en pagaille que tu décris là..

Bref, merci! <3

Anonyme a dit…

wow! des signes de vie ici ?? quel bonheur...

tu m'envois ton msn sur le forum d'indo tristana te plait ?

walking shade